
Mine de rien, c’est peut-être une nouvelle ère de la SF qu’a ouverte Destination Lune en cette période d’après-guerre. La conquête de l’espace n’est plus un délire, ni un rêve. C’est désormais un vrai projet, non seulement possible, mais nécessaire. Réalisme et patriotisme sont les mamelles de cette production audacieuse.
L’histoire :

Un projet fou : celui de marcher sur la Lune. « C’est de la folie! » « Et si la fusée explose? » « Elle pèse bien trop lourd! » Une poignée de scientifiques en appelle à la force industrielle des États-Unis pour gagner ce qui doit être la course du siècle, celle qui les mènera sur l’astre voisin, celle que l’Amérique doit gagner. Sauf que forcément, il va y avoir quelques merdes sur le chemin.
Autour du Film :
Le réalisateur, Irving Pichel, par ailleurs acteur depuis les années 1930, fait partie des 19 personnalités de Hollywood blacklisté pour leur supposée sympathie à l’égard du Parti Communiste. Il ne fera pas partie des « 10 d’Hollywood » qui furent convoqués pour répondre de leurs activités anti-américaines.
Un dessin animé de Woody Woodpecker est utilisé pour expliquer par quel procédé on peut envoyer un engin sur la Lune. C’est tellement clair que la NASA récupèrera ce cartoon, le mettra à jour et s’en servira à des fins pédagogiques.
Ce qui a mal vieilli :
- Le Technicolor : Manifestement, ces couleurs dignes d’une série policière allemande ont impressionné puisque Destination Lune s’est vu décerné l’Oscar des Meilleurs Effets Visuels, celui qu’on donnera plus tard à Inception, à Independance Day ou à Matrix.
- Une expédition montée quelque peu dans l’urgence
-« La fusée est finie. Quand est-ce qu’on peut partir? »
-« Dans 17 heures »
-« Ah bon… et ben… allez, ok, on part demain! Tiens, toi, le jeune, tu fais quoi demain? Annule tout, tu vas sur la Lune! » - L’idée qu’une expédition lunaire dans les années 50 pouvait se faire sans l’aval du gouvernement américain : les autorités essaient bien de raisonner ces hippies de scientifiques juste avant le décollage, mais rien n’y fait. Ces idéalistes le savent bien : en temps de paix, le gouvernement américain ne mettra pas un rond dans un truc aussi dingue qu’un aller-retour sur la Lune. L’avenir n’a pas vraiment donné au film, mais ce n’est pas grave.
- Les combinaisons colorées, certainement en avance sur leur temps : si il a fallu attendre 1969 pour voir cette prophétie se réaliser, ce n’est sûrement pas un problème de maitrise technologique (Woody Woodpecker explique tout dès le début du film), mais il fallait mettre au point des combinaisons décentes. Parce que là, non, c’était pas possible.
3 raisons de le voir quand même :
- Destination Lune est sûrement le premier film catégorisé « hard science-fiction ». Un scénario documenté, le plus réaliste possible, pour évoquer une perspective future. Intéressant de constater que le thème est le même que Le Voyage dans la Lune de Méliès, fondateur du cinéma de SF, dont il est l’exact opposé.
- Des effets spéciaux sobres : Conséquence du point précédent, le choix du réalisme donne lieu à quelques scènes intéressantes, notamment le premier contact des astronautes avec l’apesanteur, dans un silence aussi angoissant que le vide spatial, avec une économie de trucages assez respectable.
- Une fusée qui a de l’allure : C’est encore un point à enlever du crédit d’Hergé, l’auteur de Tintin. On a tendance à contrebalancer ses albums coloniaux douteux avec le génie prophétique dont il a fait preuve dans Objectif Lune et On a Marché sur la Lune, sauf qu’il parait difficile de croire à une coïncidence quand la même année sort ce film avec une navette dans laquelle Tintin ne serait pas perdu.
Destination Lune en entier et en vostfr :
Fiche artistique :
Destination Moon – 1950 (États-Unis)
Réalisateur : Irving Pichel
Avec : John Archer, Warner Anderson, Tom Powers