
C’est parfois ambitieux de ne rien montrer. Ce récit intergalactique mise sur la lenteur et la contemplation pour nous donner une idée du futur. À bord du vaisseau Ikarie XB-1, on observe la cohabitation d’une quarantaine de scientifiques parlant en tchèque et 50 ans après, ça a moins vieilli que Loft Story. Comme quoi, l’adage « bonne photographie = durée de vie » qu’aurait pu sortir Kubrick est vérifié. Soyons clairs : ce « voyage au bout de l’univers » est un classique de la SF, c’est indéniable.
L’histoire :

Nous sommes en 2163 à bord d’un vaisseau, Ikarie XB-1, batifolant vers une planète gravitant autour d’Alpha du Centaure. Une quarantaine de scientifiques sont de la partie, mais l’ambiance se détériorent au gré des embuches : rencontre avec un appareil naufragé depuis un moment, coup de mou des cosmonautes qui savent que plus rien ne sera pareil quand il reviendront et pétage de plomb d’un des convives. Au bout de ce périple de 28 mois, peut-être, la rencontre du 3ème type.
Autour du Film :
La version US (Voyage to the End of the Universe) du film opte pour une autre fin et suggère que nos voyageurs débarquent sur Terre au terme de leur périple. C’est n’importe quoi. Un final « Planète des Singes » 5 ans en avance, mais qui impliquerait que nos compères sont en fait des extraterrestres depuis le début (Rhhhooo Putaiiiiin!!!). Bien joué, puisqu’il semblerait (selon Joe Dante, un mec en qui on a confiance) que l’idée a été pompée par La Planète des vampires de Mario Bava un an plus tard.
Plusieurs « critiques » auraient vu de troublantes similitudes entre ce film et 2001, l’Odyssée de l’Espace au point d’avancer que Ikarie XB-1 faisait partie des films visionnés par le maître en préparation de son tournage. En tout cas, en terme de photo, c’est vrai que ça vieillit aussi bien que du Kubrick.
Ce qui a mal vieilli :
- C’est un poil lent
Non. En fait, c’est hyper-lent. On comprend que c’est un choix de mise en scène, pour transmettre la caractère pesant de cette vie en communauté galactique… blablabla… Mais quand même, c’est bien bien lent. - Des fausses pistes assez frustrantes dans le scénario
50 ans après sa sortie, on réalise qu’on est habitué dans la SF à ce que chaque cause ait une conséquence directe et très claire. Ce n’est pas le cas ici, et certains soubresauts de l’histoire ne donneront rien, il faut savoir passer à autre chose, l’aventure continue. - La pénible impression de ne pas avoir tout compris
Une planète blanche, une étoile noire, cette histoire ressemble salement à une métaphore sur la vie, la mort et tout ce qu’il y a autour. Mais on n’en tire pas beaucoup plus. On a parfois l’impression d’écouter un conte chargé de symboles sans en saisir toutes les finesses. Et on se dit que s’il y a interro derrière, on est mal. Kubrick a vraiment tout piqué aux Tchècoslovaques.
3 raisons de le voir quand même :
- Visuellement, ça a quand même fière allure : on a cherché des raisons de se plaindre, mais soyons honnêtes, en visionnant ce film, on a rapidement conscience qu’on est devant un classique que 5 décennies de productions ambitieuses auront du mal à reléguer au rang de curiosité. Pour bien se rendre compte de quoi on parle, il suffit de se rappeler qu’un an plus tard sortait « Le Père Noël contre les Martiens »
- Un postulat de départ brillant : parce que nos amis voyagent certes deux ans, mais sur Terre, 15 années s’écoulent. Coupé du monde en terme d’espace et de temps, le petit groupe est en totale autarcie. Et l’ami Michal, à un moment, est trop loin de la Terre et disjoncte complètement. La Terre n’est plus là. La Terre n’a jamais existé.
- Des économies salutaires : si Ikarie XB-1 ne vieillit pas (trop), c’est parce qu’il se contente d’effets minimalistes. Du dénuement nait la poésie. Un « blaster » tout naze en guise d’arme de poing, un robot en carton et un tableau de bord qui ne convaincrait pas un enfant de 6 ans, c’est presque du théâtre. Si il y a un remake (et il y en aura un, forcément), ce sera forcément moins bien.
Bande-annonce de Ikarie XB-I :
La version restaurée en 2017, pour les amateurs de noir et blanc soigné.
Fiche artistique :
Ikarie XB-1 – 1963 (Tchécoslovaquie)
réal : Jindrich Polák
avec : Zdenek Stepánek, Radovan Lukavský, Frantisek Smolík, Otto Lackovic, Jozef Adamovic