
Roger Corman est un homme plein de ressources. Le jour où il apprend que les nouvelles d’Edgar Allan Poe sont libres de droit, il en tourne une demi-douzaine. Et quand il n’a pas un Edgar Allan Poe sous la main, il torche un scénario « à la Edgar Allan Poe », pourquoi se faire chier, et ça donne L’Halluciné, plus connu sous son titre original The Terror un film bien trop fauché pour son casting mais qui fait honneur à son réalisateur, décidément le roi du bricolage.

L’histoire :
Comment il a atterri là, on n’en sait rien. Toujours est-il que le Lieutenant Duvalier, officier de l’armée napoléonienne, est bel et bien perdu. Une mystérieuse jeune femme vient à sa rencontre. Une femme? Quelle femme? A-t-elle seulement existé? Hahahahaha… Suis-je fou? Tiens, un château étrange, allons y faire la rencontre du Baron Victor-Frederick von Leppe, il a l’air sympa, il n’a vu personne depuis 20 ans.
Autour du Film :
La seule raison d’être du film, c’est que le tournage du Corbeau, d’après Poe, a pris un peu d’avance. Du coup, ok les mecs, personne ne bouge, on écrit vite fait un truc, on lui file un nom un peu pompeux genre « The Terror » et on se le tourne en 3 jours. Vincent Price s’est cassé, mais il reste Nicholson et Karloff, ça suffira bien.
Le costume de Nicholson avait déjà servi, 9 ans plus tôt, sur les épaules de Marlon Brando incarnant Napoléon dans Désirée. Un costume d’occase, les acteurs d’un autre film et quelques plans piochés dans des coupes de montage d’autres productions AIP, s’il y avait un Oscar de la Meilleure Comptabilité, il serait pour Corman.
Ce qui a mal vieilli :
Un début de film digne d’un jeu video de 1991
« Vous êtes perdu, une jeune fille vous sauve, puis veut vous tuer. Un étranger vous explique qu’elle est possédée et que vous seul pouvez la sauver. Mais pour ça, vous devez aller au château du baron von Leppe. » On dirait l’arrière d’une boite de Zelda, mais non, c’est Edgar Alan Poe à la sauce Corman.
Une ribambelle de clichés du meilleur goût
Un château au milieu de nulle part, un muet, des paysans qui disent « non, n’y allez pas », un baron qui vit seul avec un fidèle serviteur et qui bouffe tout seul au bout d’une table trop longue, une météo merdique, on ne nous épargne rien.
Boris Karloff en roue libre
Au moment de tourner L’Halluciné, Boris Karloff aligne plus de 50 ans de carrière, ce n’est donc pas le genre de mec à qui on dit ce qu’il doit faire. Boris nous la joue donc à l’ancienne, notamment quand il part dans de longues tirades pour nous conter les 20 ans de solitude qu’il vient de vivre dans son château mal chauffé. Le genre de mec qui a forcément quelque chose à cacher.
3 raisons de le voir quand même :
- Jack Nicholson a une classe folle : on imagine qu’en voyant le jeune Jack en 1963 à un casting, on se disait « Ce type est une perle, je suis prêt à le faire tourner dans n’importe quoi! » Ça tombe bien, tourner n’importe quoi, c’est la spécialité de Roger Corman.
- Jack Nicholson, ok, mais ce n’est pas tout : en considérant que Roger Corman est une légende, que Jack Nicholson est déjà sur les bons rails, que Boris Karloff appartient à l’Histoire et que Francis Ford Coppola file un coup de main, on peut décemment se sentir obligé de regarder « L’Halluciné » ne serait-ce que pour sa valeur historique.
- Un twist de dingue à la fin : si vous aimez les retournements de situation spectaculaires, vous allez vous calmer direct. Parce que là, c’est n’importe quoi.
L’Halluciné (The Terror) : la bande annonce
Fiche artistique :
The Terror – 1963(Etats-Unis)
réal : Roger Corman
avec : Jack Nicholson, Boris Karloff, Sandra Knight, Dick Miller