
Parmi les gens qui ont appris le métier avec Roger Corman, il y a des types comme Francis Ford Coppola qui ont reçu des Oscars, et il y a Tom Graeff qui s’est contenté de claquer 20 000 $ dans ce Teenagers From Outer Space avant de faire les démarches pour se faire officiellement appeler « Jesus Christ II » et de se suicider dans son garage avec les gaz d’échappement de sa bagnole. Ça laisse peu de temps pour faire une carrière, mais ça suffit pour faire le lien entre Corman et Ed Wood, avec une œuvre d’une nullité tragique, presque belle.
L’histoire :

C’est une mission de reconnaissance pour ces extraterrestres : est-ce que cette planète bleue, la Terre, saura accueillir leur bétail et leur fournir un garde-manger suffisant? Il faut venir sur place pour s’en assurer et lâcher une « gargon », un genre de homard qui atteint la taille d’un immeuble en une journée, pour voir si il peut s’épanouir dans ce coin. Et c’est un succès ! Impeccable, allons chercher le reste des bêtes pour les laisser s’ébattre ici. Sauf que Derek, l’un des aliens, ne le voit pas de cet œil. Qu’en est-il des habitants? N’ont-ils pas aussi le droit de vivre? « Oh, ta gueule Derek, fais pas ta sucrée » lui disent les autres avant d’essayer de le descendre. Du coup Derek s’enfuit et découvre que les Terriens, ils sont hyper sympas quand on les connait un peu.
Autour du Film :
Derrière son aspect cheap, ce film compte trop de points d’ancrage. A tel point que Teenagers From Outer Space s’est d’abord appelé « The Ray Gun Terror » (parce qu’il y a effectivement du laser redoutable) puis « The Gargon Terror » (parce que en effet, on y parle de « gargon » terrifiante). Le distributeur français optera sagement pour « L’Invasion Martienne », pas de fantaisie.
Le film figure en bonus du sympathique jeu Destroy All Humans! sur Playstation 2. La preuve que ce film est culte.
Ce qui a mal vieilli :
- Les Extraterrestres qui exposent leur plan à peine débarqués
C’est pratique pour le spectateur, mais après une arrivée en soucoupe chromée (et manifestement trop petite) et dans des costumes douteux, ça réduit à néant tout le mystère de ces visiteurs. - L’accueil chaleureux de cette sympathique famille américaine
Un mec débarque de nulle part, dans des fringues bizarres, il ne comprend rien à ce qu’on lui dit, mais entrez donc mon ami, vous n’avez pas de fric? Pas de souci, on va attendre que vous trouviez un job… En 1959 aux États-Unis, il valait mieux être extraterrestre que noir. - Des coupes budgétaires excessives
Les costumes décorés au scotch, un « désintégrateur » qui a très clairement été conçu pour une main d’enfant et une soucoupe qui tiendrait dans votre salon, passe encore, on en a vu d’autres. Mais les dialogues enregistrés à l’avance puis « joués » en playback par les acteurs, ce n’est plus du bricolage, c’est du foutage de gueule. - Un monstre qu’on n’aurait plus le droit de mettre à l’écran aujourd’hui
Quand on veut mettre dans un film un homard géant, on le fabrique, ou au pire on demande à des mecs de le modéliser en 3D. On ne projette pas l’ombre d’un homard acheté au marché sur la pellicule.
3 raisons de le voir quand même :
- Qu’on le veuille ou non, l’idée est assez cool : les invasions d’extraterrestres, même en 1959 (SURTOUT en 1959), c’est vu et revu. Mais des extraterrestres qui envisagent de faire de notre planète une ferme géante pour y élever leur bétail, de préférence monstrueux, c’est plutôt brillant.
- Il y a un petit côté Ed Wood qui confère à cette œuvre un vrai charme : Parce que c’est le projet d’un type déterminé, qui a écrit, produit, réalisé et interprété ce film. Il sera poursuivi en justice par les autres apporteurs en capital, fera une dépression et deviendra (disons-le) dingo par la suite. Tout le contraire de son ancien patron Roger Corman qui fera preuve toute sa vie d’un opportunisme glacial. Si vous aimez les artistes maudits, Tom Graeff va devenir votre meilleur pote.
- On peut, en se forçant un peu, voir du communisme chez ces aliens et lire cette histoire comme une parabole idéologique : ça fonctionne, mais c’est quand même faire beaucoup d’honneur à cette production.
Teenagers from Outer Space en entier, et en français :
et si vous ne jurez que par la VO, on ne peut que vous encourager.
Si vous ne parlez pas anglais :
N’apprenez surtout pas pour ce film, ça ne vaut pas le coup.
Fiche artistique :
Teenagers from Outer Space – 1959 (États-Unis)
réal : Tom Graeff
avec : David Love, Dawn Bender, Bryan Grant, Tom Graeff